1981-2011 : 30 ANS D’ABOLITION EN FRANCE


4 mai 2011

Le 9 octobre 2011, la France célèbrera les 30 ans de la promulgation par François Mitterrand de la loi abolissant la peine de mort. Grâce aux abolitionnistes de l’époque, au premier rang desquels Robert Badinter, la France devient le 35ème pays à renoncer à la peine capitale. Aujourd’hui, la voix de la France continue de se faire entendre, au travers d’associations militantes comme Ensemble contre la peine de mort (ECPM), afin de parvenir un jour à l’abolition universelle.

Après 200 ans de discussions, de débats et de combats, la France devient, le 9 octobre 1981, le 35ème État du monde à abolir la peine de mort. Dès la fin des années 1970, les hommes politiques au pouvoir, notamment Alain Peyrefitte, prennent conscience de l’urgence d’un débat parlementaire au sujet de la peine capitale, et ce, malgré une opinion publique hostile à une éventuelle suppression. Mais l’approche des élections présidentielles fige les débats.

L’abolition au programme des élections présidentielles
Il faut attendre la campagne des élections présidentielles de 1981 pour que des positions plus engagées soient prises. Ainsi, en janvier 1981, la gauche intègre à son programme des « 110 propositions » pour l’élection présidentielle, la proposition n°53 "Abrogation de la peine de mort". Quelques mois plus tard, lors de l’émission télévisée « Cartes sur table », François Mitterrand, alors candidat du Parti socialiste (PS) à l’élection présidentielle, se déclare clairement contre la peine de mort :

« Dans ma conscience profonde, qui rejoint celle des églises, l'église catholique, les églises réformées, la religion juive, la totalité des grandes associations humanitaires, internationales et nationales, dans ma conscience, dans le for de ma conscience, je suis contre la peine de mort. »

Loi du 9 octobre 1981
Le 10 mai 1981, François Mitterrand est élu Président de la République française et obtient la majorité absolue à l’Assemblée nationale le 21 juin. La désignation de Robert Badinter, fervent abolitionniste depuis plusieurs années, au poste de garde des Sceaux, et la commutation le 25 mai 1981 en réclusion criminelle a perpétuité de la peine de mort prononcée le 28 octobre 1980 contre Philippe Maurice, dernière grâce présidentielle d'un condamné à mort en France, laissent présager la tenue des engagements pris durant la campagne.

Quelques semaines plus tard, le 8 juillet 1981, les engagements politiques sont pris avec la déclaration devant l’Assemblée nationale du Premier ministre, Pierre Mauroy :

« On a assisté au déclin des libertés et de la confiance des Français dans leur justice. Pour la restaurer, le gouvernement engagera une série d'actions. […] Il vous proposera de supprimer les tribunaux permanents des forces armées, d'abroger la loi du 2 février 1980 dite "sécurité et liberté" et d'abolir la peine de mort. »

Ainsi, le 29 août 1981, un projet de loi disposant une abolition générale et définitive de la peine de mort est déposé par Robert Badinter à l’Assemblée nationale. Les débats qui suivent sont évidemment houleux, notamment lors du célèbre discours devant les parlementaires, la veille du vote, du Garde des sceaux. Ce dernier, use d’une rhétorique des plus percutantes :

« Demain, grâce à vous la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain, grâce à vous, il n'y aura plus, pour notre honte commune, d'exécutions furtives, à l'aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain, les pages sanglantes de notre justice seront tournées. »

Et c’est un succès puisque, le 18 septembre 1981, l’abolition de la peine de mort est votée par 369 voix contre 113 à l’Assemblée nationale (l'ensemble du projet de loi est adopté par 363 voix contre 117, mais l'article 1er abolissant la peine de mort est adopté par 369 voix dont 16 RPR et 21 UDF contre 113), et par 161 voix contre 126 au Sénat, pourtant très hostile au gouvernement de gauche en place. La loi n° 81-908 portant abolition de la peine de mort est donc promulguée le 9 octobre 1981 par le Président de la République, en dépit d’une opinion publique largement favorable à la peine capitale (selon un sondage réalisé entre le 8 et le 10 septembre 1981, et publié à l’époque dans le Figaro le matin de l’ouverture du débat à l’Assemblée nationale, 62 % des Français sont favorables à la peine capitale). Elle est ensuite publiée au Journal Officiel le 10 octobre 1981.

Irréversibilité de l’abolition en France
Mais, l’abolition de la peine de mort ne clôt pas pour autant les débats entre abolitionnistes et anti-abolitionnistes. En effet, des hommes politiques de premier plan se prononcent en faveur du rétablissement de la peine capitale, notamment à l'occasion d'affaires criminelles ou terroristes qui marquent l'actualité de cette période. Il s’agit de Raymond Barre, Albin Chalandon, Jean-Marie Le Pen, Pierre Messmer, Robert Pandraud, ou encore Charles Pasqua. De 1984 à 1995, pas moins de 27 projets de loi visant à rétablir la peine capitale sont déposés devant le Parlement. Pourtant, depuis 1985, il est impossible de rétablir la peine de mort en France puisque le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, a déclaré conforme à la Constitution le 6ème Protocole additionnel à la Convention européenne des Droits de l’homme (CEDH), interdisant aux États qui l’ont ratifiée (notamment la France en avril 1983), de recourir à la peine de mort. Et, les traités internationaux ayant une valeur supérieure à la loi, le Parlement français ne pourrait rétablir la peine de mort que si le Président de la République française dénonçait cette convention.

Depuis, d’autres verrous sont venus conforter l’irréversibilité de l’abolition de la peine capitale en France parmi lesquels le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques ou encore le Protocole n° 13 à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatif à l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances. Et en 2007, le Parlement, réuni en Congrès à Versailles, a donné un caractère irréversible à l’abolition de la peine de mort en inscrivant dans la Constitution (Article 66) que « nul ne peut être condamné à mort ». La France devient ainsi le 17ème pays à conférer à la prohibition de la peine de mort une valeur constitutionnelle.

La voix de la France dans le monde
Ayant ratifié les protocoles internationaux sur l’abolition de la peine de mort, la France est en bonne place pour œuvrer pour l’abolition universelle. Et si la cause a largement progressé ces vingt dernières années, il reste encore de nombreux combats à mener puisque cinquante-huit pays continuent d’avoir recours à la peine capitale alors même que l’Assemblée générale des Nations unies a voté pour la troisième fois une résolution appelant un moratoire sur les exécutions ; et plus de 20 000 personnes dans le monde attendent toujours dans les couloirs de la mort. 90% des exécutions dans le monde sont le fait de quatre États : la Chine, les États-Unis, l’Iran et l’Arabie Saoudite. Trente ans après l’adoption de la loi du 9 octobre 1981, les voix qui ont fait l’abolition en France continuent de travailler de concert avec la société civile et les diplomates pour porter le message internationalement. ECPM, association militant pour l’abolition universelle de la peine capitale, sera mobilisée tout au long de cette année afin de célébrer l’événement. Elle a choisi le moi de mai, symboliquement, pour donner le coup d’envoi des festivités en se rendant notamment dans les collèges et lycées parisiens dans le cadre du programme Éduquer aux droits de l’homme et à l’abolition et reviendra, avec les jeunes citoyens, sur l’histoire française de l’abolition de la peine de mort et sur la situation actuelle dans les pays rétentionnistes.

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