Rapport pour l’EPU du Cameroun – Synthèse


14 mai 2018

Le rapport du groupe de travail l sur l’Examen périodique universel (EPU) présente des données sur l’utilisation de la peine capitale en République du Cameroun depuis la dernière session de l’EPU (2013), en vue du 3e cycle de l’examen (mai 2018). Ce rapport propose plusieurs recommandations pour remédier à ces violations  continues des droits de l’homme au Cameroun.

Faits et chiffres

Pays abolitionniste de fait : aucune exécution depuis 1997 ; le moratoire n’est cependant pas officiel et de nombreuses condamnations à mort continuent à être prononcées chaque année ;

160 condamnations à mort en 2016 (contre 91 en 2015 et aucune en 2014 et 2013) ;

Le Cameroun fait partie des 10 pays prononçant le plus de condamnations à mort au monde ;

Le Cameroun est le pays d’Afrique francophone condamnant le plus à mort ;

Environ 212 personnes sont détenues dans les couloirs de la mort ;

> Recommandations

Demander aux magistrats de mettre en place un moratoire sur le prononcé de la peine de mort en attendant l’abolition ou l’officialisation du moratoire sur les exécutions

Publier annuellement des renseignements précis sur le recours à la peine de mort (nombre des personnes condamnées à mort et exécutées, informations sur la nature des infractions et motifs pour lesquels ces personnes ont été condamnées, sur l’exécution et l’identité des prisonniers exécutés, le nombre des condamnations à mort rapportées ou commuées en appel et le nombre de condamnés graciés, ainsi que des renseignements sur la mesure dans laquelle les garanties susvisées sont incorporées dans la législation nationale.)

Abolir la peine de mort de jure et/ou annoncer un moratoire officiel sur la peine de mort en attendant l’abolition.

Cadre juridique national

Le droit à la vie est consacré dans la Constitution (art. 65) ;

16 crimes sont passibles de la peine capitale dans le droit camerounais :

9 cas prévus dans le Code pénal de 2016 (crimes politiques, crimes de sang, trahison et espionnage) ;

4 cas prévus dans la Loi antiterroriste de 2014 ; les tribunaux militaires sont les seuls habilités à juger les affaires de terrorisme ;

3 cas prévus dans le Code de justice militaire de 2017 ;

Le droit de grâce est une prérogative du Président de la République, et est accessible à toute personne condamnée à mort ;

> Recommandations

Amender le Code pénal de 2016, la Loi antiterroriste de 2014 et le Code de Justice militaire de 2017 afin d’éliminer la peine de mort pour tout crime qui ne comporte pas de meurtre intentionnel.

Instruments internationaux

Le Cameroun est partie à :

Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et son Premier protocole facultatif ;

Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) ;

Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants (CAT) ;

Le pays a signé le Protocole optionnel à la Convention contre la torture (OPCAT) ;

Le Cameroun n’a pas adhéré au Second protocole facultatif (OP2) se rapportant au PIDCP, visant à l’abolition de la peine de mort, malgré ses engagements à débuter des démarches en ce sens ;

Depuis 2007, le pays s’abstient lors du vote sur la résolution des Nations unies pour un moratoire universel sur les exécutions (y compris lors des votes récents de 2014 et 2016) ;

Lors de l’Examen périodique universel (EPU) du Cameroun en 2013, 13 recommandations sur la peine capitale lui avaient été formulées par 12 pays différents, toutes avaient été rejetées ;

> Recommandations

Déposer les instruments de ratification de l’OPCAT auprès des Nations unies.

Mettre pleinement en œuvre les lignes directrices de Robben Island en adoptant des règlements d’application et en fournissant une formation complète à tous.

Contexte national

De nombreuses condamnations à mort sont prononcées par des tribunaux militaires en vertu de la loi antiterroriste, principalement dans le cadre de la lutte contre Boko Haram à l’extrême-nord du pays, y compris pour des civils ou en dehors du champ d’application de cette loi (notamment dans le cadre de la crise anglophone) ;

Des mineurs sont condamnés à mort par le biais de subterfuges juridiques tels que le certificat d’âge apparent ;

De nombreux droits procéduraux sont régulièrement bafoués, comme le droit à un procès équitable, à une aide consulaire et à l’interprétariat pour les étrangers, au dépôt d’une demande de grâce ou à la visite du/des  avocat(s);

De nombreux cas de torture de condamnés à mort ont été rapportés, notamment ceux condamnés pour terrorisme ;

Il est particulièrement difficile d’obtenir des informations fiables sur les condamnations à mort et les conditions de détention dans les couloirs de la mort, du fait d’un manque de transparence des autorités publiques à ce propos ;

> Recommandations

Amender la loi sur le terrorisme et la réécrire en des termes qui ne prêtent pas à équivoque ;

Veiller à ce que les magistrats militaires ne prononcent pas de sentences de mort dans les affaires où l’âge des accusés a été déterminé par le certificat d’âge apparent.

Veiller à ce que toutes les personnes passibles d’une condamnation à mort soient interrogées en présence d’un avocat ou d’un conseil juridique, dans le respect de la procédure pénale.

Veiller à ce que l’audition ou l’interrogatoire des ressortissants de nationalité étrangère ou des nationaux qui ne comprennent pas les langues officielles se fasse obligatoirement en présence d’un interprète ;

Veiller à ce que – préalablement à l’audition ou l’interrogatoire des ressortissants de nationalité étrangère impliqués dans une affaire passible de la peine de mort- ceux-ci soient informés de leur droit à une assistance consulaire ;

Prendre des mesures ou dispositions concrètes pour informer les personnes passibles de la peine de mort de leur droit d’exercer un recours en grâce.

Veiller à ce que les commutations des peines décrétées par le président de la République bénéficient à tous les condamnés qui sont dans le couloir de la mort.

Veiller au respect des droits de l’homme y compris dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Observer la transparence en cas de commutation des peines pour permettre aux condamnés à mort d’être éclairés sur leur sort.

Pour aller plus loin : Le rapport sur la 30e session du groupe de travail sur l’EPU Peine de mort, avril-mai 2018