Edito Novembre: Carte blanche à Richard Sédillot


21 octobre 2013

Le 10 octobre est aujourd'hui une date importante qui consacre, à travers le monde, la lutte en faveur de l'abolition mondiale de la peine de mort. En cette journée, nombreuses sont les associations et ONG qui organisent des évènements, rappelant l'importance du combat qu'elles mènent contre cette peine vaine et cruelle. La célébration annuelle de cette lutte participe à la sensibilisation des citoyens, rappelant que la victoire des abolitionnistes ne sera acquise qu'au jour où tous les Etats du monde auront définitivement renoncé, de jure, à l'application d'une peine qu'on a improprement qualifiée "capitale", puisqu'elle ne saurait être essentielle.

ECPM a participé à la conférence de presse organisée par la Coalition libanaise contre la peine de mort, en cette occasion, au palais de justice de Beyrouth. L'évènement était d'importance. Le Liban connait encore la peine de mort, qui n'a toutefois pas été appliquée depuis 9 années. En 2004, ECPM avait déjà participé à une conférence à Beyrouth, à l'occasion de la reprise des exécutions. Depuis cette date, aucun condamné n'a été exécuté, mais la peine n'a pas été abolie. Elle est essentiellement prononcée par les juridictions militaires, souvent pour des faits de trahison, vague qualification qui permet tous les abus judiciaires.
Le ministre de la Justice libanais a introduit la conférence pour dire son opposition farouche à la peine de mort. C'était un moment émouvant. On a trop dit, au Liban, que le combat pour l'abolition était secondaire, que les problèmes rencontrés par le pays le reléguaient, légitimement, au second plan. Cette objection n'est pas fondée. Le temps de l'abolition est permanent, puisqu'il est prouvé que la peine de mort participe à la violence et à la progression du taux de criminalité. Un Etat peut en effet difficilement exiger de ses ressortissants qu'ils adoptent, en matière de respect du droit à la vie, un comportement plus vertueux que le sien. Faut-il encore rappeler que le taux de criminalité est, au Texas, Etat rétentionniste, infiniment plus élevé qu'il ne l'est en Toscane, premier Etat abolitionniste du monde?

Certains caciques tenteront peut être d'atténuer la portée des propos du ministre libanais en rappelant que le Gouvernement actuel se contente de gérer les affaires courantes, qu'il n'est pas à proprement parler composé de responsables politiques. Peu importe. La condamnation publique de la peine de mort, par un ministre de la Justice libanais, au sein du palais de justice, devant les principaux médias du pays, en présence d'ambassadeurs européens et du chef de la délégation de l'Union européenne, est un évènement dont la portée ne saurait nous échapper. Elle n'avait d'ailleurs pas échappé aux organes de presse et aux chaînes de télévision du pays qui ont largement couvert l'évènement.

Il régnait dans la salle d'audience qui nous avait été réservée une ambiance d'autant plus émouvante que des lycéens participaient avec ferveur à cette conférence. La jeunesse, lorsqu'elle est informée, devient un soutien remarquable de la cause abolitionniste, et sa participation à la Journée mondiale est essentielle. Je rentre de Beyrouth, plus convaincu que jamais, que le Liban est digne de l'abolition, et que la peine de mort n'est pas digne du Liban.

Le 10 octobre, ECPM était aussi représentée brillamment par Sandrine Ageorges Skinner à Indianapolis, aux côtés de Journey of Hope ainsi qu’en France au séminaire parlementaire sur l'abolition en Afrique du Nord et au Moyen Orient. Elle organisait encore des actions éducatives dans les écoles et une soirée consacrée à Antoinette Chahine.

Antoinette, condamnée à mort à Beyrouth le 6 janvier 1997, dont l'existence aujourd'hui est la plus belle preuve de l'urgence qui s'attache à l'abolition, où que ce soit dans le monde, et particulièrement au Liban. Antoinette, aujourd'hui vivante et libre, remarquable évidence que la peine de mort est souvent utilisée comme arme politique. Antoinette, enfin, dont le sourire est le plus beau bouclier contre la barbarie judiciaire.

Richard Sédillot
Administrateur d’ECPM