Congrès régional à Abidjan, Congrès mondial à Bruxelles : deux rendez-vous pour une abolition
15 janvier 2018
L’équipe d’ECPM planche d’ores et déjà sur l’organisation de deux événements majeurs de l’abolition : le Congrès régional consacré à l’Afrique, qui se tiendra à Abidjan les 9 et 10 avril 2018, et le prochain Congrès mondial contre la peine de mort, prévu pour 2019 à Bruxelles. Nicolas Perron, directeur des programmes à ECPM, nous expose dans cet entretien un avant-goût de ces prochains rendez-vous. Pourquoi avoir fait le choix de la capitale européenne pour le prochain Congrès mondial contre la peine de mort ? Nicolas Perron : Le choix de Bruxelles est apparu comme une évidence. L’abolition de la peine de mort est au cœur des valeurs fondatrice de l’Union européenne et la diplomatie belge a toujours été très active sur le sujet. De plus, ECPM compte sur l’attractivité de la capitale belge et sa facilité d’accès pour inciter la participation du plus grand nombre, notamment au niveau politique. Nous attendons jusqu’à 1500 personnes par jour. Le dernier Congrès mondial s’était notamment concentré sur la situation en Asie et sur le rôle que les INDH ont à jouer contre la peine de mort. Pour cette nouvelle édition, quelles thématiques seront privilégiées ? NP : Pour cette 7e édition ECPM souhaite renforcer l’implication des nouveaux alliés, qui se joignent progressivement à la lutte contre la peine de mort et renforcent la portée du combat. Qu’il s’agisse de partis politiques traditionnellement en faveur de la peine de mort, d’anciens juges ou magistrats, de personnalités publiques, d’entreprises multinationales ou non, de familles de victimes, ces nouveaux alliés permettent d’atteindre un public plus large qui ne se retrouvait pas forcément dans les arguments abolitionnistes plus usuels, tout en multipliant les possibilités de lobbying. Les Congrès mondiaux sont aussi l’occasion, pour les acteurs politiques, d’exprimer des engagements. Quels sont vos espoirs quant à cette nouvelle édition ? NP : Nous espérons, tout d’abord, la concrétisation des annonces faites lors du Congrès d’Oslo notamment pas le République démocratique du Congo et la République de Centrafrique. La Malaisie et le Sri Lanka ont également montré des signes encourageants quant à l’abolition de la peine de mort. Nos espoirs portent également sur la poursuite de l’incroyable dynamique africaine, avec des annonces d’abolition au Burkina Faso, au Niger, en Gambie… Affiche du prochain Congrès régional contre la peine de mort Le prochain Congrès régional sur la peine de mort se tiendra en Côte d’Ivoire en avril 2018. Pouvez-vous nous expliquer la différence, en terme de démarche, entre les congrès mondiaux et les congrès régionaux ? NP : Depuis 2012, un congrès régional précède chaque congrès mondial. Il permet de porter l’accent sur une région du monde et d’approfondir les problématiques spécifiques. Après la région MONA en 2012 et l’Asie en 2015, nous avons décidé de cibler le continent africain. Le congrès sera organisé en partenariat avec la commission nationale des droits de l’homme de côte d’ivoire, la Coalition mondiale contre la peine de mort et la FIACAT. Pourquoi avoir choisi l’Afrique ? NP : Aujourd’hui, l’Afrique est perçue comme le prochain continent abolitionniste. Sur les 55 états membres de l’UE, 4/5 d’entre eux ne pratiquent plus la peine de mort et au cours des dix dernières années, seuls dix pays ont procédé à des exécutions. Chaque année , de nouveaux pays africains abolissent la peine de mort : la Guinée en 2016, le Congo et Madagascar en 2015, le Bénin en 2012, le Gabon en 2010… À travers l’organisation de ce 3ème Congrès régional, ECPM souhaite donc promouvoir l’abolition sur le continent afin de soutenir l’émergence de nouveaux acteurs et de favoriser la coopération et l’échange de bonnes pratiques entre acteurs de l’abolition. ECPM ciblera tout particulièrement les 17 pays d’Afrique Subsaharienne qui sont en situation de moratoire ainsi que certains pays rétentionnistes susceptibles de faire des avancées concrètes comme par exemple la Gambie, le Tchad et le Zimbabwe. Sur quels aspects de la peine de mort les débats porteront-ils ? NP : Les débats porteront sur les grandes problématiques de la région : pauvreté et peine de mort, État de droit, conditions de détention, traditions et religions, lutte contre le terrorisme. Le Congrès cherchera également à appuyer la mise en place de certains instruments internationaux clés : Protocole Africain, résolution moratoire des Natione Unies, OP2. Afin de favoriser une approche participative, ECPM mettra en place un groupe de travail composé de membres de la Coalition mondiale. Ce groupe sera chargé d’élaborer le programme et d’identifier les intervenants. la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADPH) sera particulièrement impliquée dans l’ évènement. En avril 2015, elle a adopté un projet de protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif à l’abolition de la peine de mort en Afrique. À vos yeux, quels obstacles spécifiques l’Afrique nous invite-t-elle à surmonter pour avancer vers l’abolition ? NP : La situation n’est pas homogène sur tout le continent . Si la situation est plus favorable en Afrique de l’ouest, certains pays d’Afrique du nord et de l’est souffrent d’une situation politique instable – avec le terrorisme comme facteur de déstabilisation et face une multiplication des violations envers les droits de l’homme. Dans ce contexte, on assiste à l’émergence de certaines voix réclamant l’application de la peine de mort pour des questions sécuritaires ou religieuses. La croyance selon laquelle la peine de mort aurait un effet dissuasif est également un argument très porteur dans l’opinion, régulièrement relayé dans les médias. Ainsi, il est primordial d’entretenir le débat public afin de se préserver de tout retour en arrière, qu’il soit dans les pensées comme dans le durcissement des lois. À ce titre, le développement d’un mouvement régional en faveur de l’abolition reste donc un enjeu majeur pour ECPM comme pour la communauté internationale.