Coup de massue US sur l’abolition
6 décembre 2016
Mais que s’est-il passé le 4 novembre dernier ? Et quid des conséquences sur la question de la peine de mort ?
Nous n’attendions pas beaucoup des deux candidats : l’abolition ne viendrait ni de Clinton ni de Trump. La question n’a d’ailleurs quasiment pas été abordée durant la campagne nationale, tant leurs positions sont communes et constantes depuis de nombreuses années. Trump, en bon candidat ultra-conservateur, soutient absolument et en tout lieu la peine de mort. Il souhaite même la renforcer et l’étendre à de nouveaux crimes, en particulier pour les meurtres de policiers (dans le « contexte racial » que l’on connait).
Du côté des Clinton, le passage à la maison blanche de Bill laisse encore un goût amer aux abolitionnistes américains. C’est lui qui, en 1996, fit adopter l’Antiterrorism and Effective Death Penalty Act à la suite de l’attentat d’Oklahoma City, qui simplifia fortement les procédures d’Habeas Corpus fédérales provoquant ainsi une accélération des exécutions, et dont les effets se font encore sentir aujourd’hui. Hillary a, elle, toujours soutenu la peine de mort, au moins pour les crimes les plus graves. À son crédit, Obama lui-même, souvent perçu comme réformiste et plus libéral, n’a jamais été contre la peine de mort et n’a rien fait pour la ralentir, ni la diminuer. Son ancien Attorney General, Eric Holder, a attendu de quitter ses fonctions en 2015 pour critiquer ouvertement la peine capitale dans son pays et se déclarer en faveur d’un moratoire sur les exécutions.
Un contexte pré-électoral pourtant positif
Malgré les échecs cuisants (et attendus) des référendums sur des questions relatives à la peine de mort en Californie, Oklahoma et Nebraska (voir l’article du dossier principal), la tendance était à l’optimisme.
Le nombre des exécutions aux Usa n’avait pas été aussi bas depuis 1992, avec 18 exécutions en 2016 (Il reste encore 3 prisonniers ayant des dates d’exécution programmées pour le mois de décembre). Pour la première fois, la Géorgie dispute la 1ère place des états exécuteurs au Texas avec 8 exécutions contre 7. Ces 2 étatsreprésentent à eux seuls les 5/6ème de toutes les exécutions aux États-Unis.
Et surtout, jamais le soutien à la peine de mort n’a été aussi faible. Selon une récente enquête du Pew Research Center publiée fin septembre, pour la première fois depuis 1966, la part de la population favorable au maintien de la peine de mort est passée en dessous de la barre des 50% traduisant surtout une tendance globale observée ces dernières années. Enfin, l’opportunité de voir pour la première fois une Cour Suprême composée d’une majorité de Juges sensibles à la question de l’abolition,suite au décès du Juge conservateur Antonin Scallia, était à portée de main et source de réel optimisme.
Les conséquences délétères de l’élection américaine
La chute est d’autant plus rude et l’élection de Trump engendre une réaction en chaîne catastrophique au pire des moments. La Cour Suprême ne penchera donc manifestement pas vers l’abolition, les politiques publiques ne pousseront pas à la pacification et la tempérance de la machine judiciaire et la tendance État par État risque d’être littéralement stoppée. Nous venons de rater ce que l’on appelle dans le langage militaire une réelle fenêtre de tir ou, dans le langage politique, une formidable opportunité. L’abolition aux États-Unis risque d’être repoussée aux calendes grecques.
Dommage. Une abolition américaine aurait donné un nouveau souffle à un mouvement abolitionniste international qui en a bien besoin. En effet, le terrorisme international, la situation en Turquie ou aux Philippines, nous font toujours craindre des retours en arrière.
La seule bonne nouvelle de ces dernières semaines nous vient de New-York, ou plus exactement des Nations-Unies où la 3e Commission préparatoire au vote de l’Assemblée générale des NU (qui aura lieu mi-décembre) a donné le « la » de la tendance internationale en poussant toujours un peu plus le soutien de nouveaux pays envers l’abolition. Parmi ces nouveaux votants en faveur de la résolution figurent le Malawi ou le Swaziland, pays où j’ai eu le plaisir de mener, ces dernières semaines, avec mes amis de Hands Off Cain, une mission de lobbying de très haut niveau qui aura pu contribuer, je l’espère, à ce changement décisif. Je vous donne rendez-vous dans les prochaines semaines pour analyser les résultats définitifs lors de la session plénière en Assemblée générale. Nous vous ferons suivre, en temps réel, les résultats de ce vote via notamment nos réseaux sociaux.
Raphaël CHENUIL-HAZAN
Directeur général ECPM