Dallas sur le Yang Tsé


10 septembre 2013

Mieux qu'une série, ce n'est pas une fiction : l’affaire Bo Xilai.

Episode 1. Femme d‘affaires et avocate, Gu Kailai est la seconde épouse d’une des étoiles montantes du Parti, Bo Xilai, lui-même "prince rouge" en l'occurence fils d'un des compagnons de Mao. Accusée de l’assassinat d’un Britannique (qui s’est révélé par la suite être un espion) sans que le mobile ni les circonstances du décès ne soient clairement établis, elle est condamnée à mort avec sursis en août 2012. Rumeurs et révélations se sont succédées avant et après le procès : népotisme de Bo Xilai dans son fief de Chongqing, gigantesques passe-droits, réseau familial enrichi, argent placé à l'étranger, "révélations" d'un fils d'un précédent mariage …

Episode 2. Tang Jianhua, ancien chef adjoint de la police de Chongqing et 'bras droit' de Bo Xilai, est condamné à la peine de mort avec sursis pour corruption. Son bref 'asile' au consulat américain de Chengdu est resté un secret de diplomates (il a aussi inspiré un roman !).

Episode 3. Arrestation de Bo Xilai lui-même, et fin définitive de sa carrière fulgurante à quelques mois du 18e congrès du Parti. Son procès est attendu par les nombreux supporteurs de sa ligne politique et aussi un signe des nouveaux dirigeants quant à la délicate question de la corruption et du pouvoir. Le procès de Bo Xilai fait l'objet de mesures exceptionnelles : médiatisation quasi instantanée via un compte officiel du tribunal (plateforme de microblog Weibo), possibilité donnée à Bo Xilai lui-même de répondre aux accusations. Verdict prononcé le 22 septembre 2013 : condamnation à vie et privation permanente des droits politiques.

Episode 4. Bo Xilai annonce qu'il fera appel. Un recours rarissime en Chine, car considéré comme une attitude de défiance vis-à-vis de l'autorité. Un acte de quasi rebellion. Le 25 octobre, la cour d'appel confirme la condamnation.

Tout a long de cette affaire à rebondissements, la société civile chinoise a dénoncé la promiscuité entre affaires d’argent et pouvoir politique (la période Chongqing); l'instrumentalisation de l’appareil judiciaire à des fins politiques (la mise à l'écart) ; et pour finir, la mansuétude de la justice pour les enfants du système, à commencer par les 'princes rouges' (détention dans une prison 5 étoiles).

Une justice à deux vitesses, telle est la conclusion de nombreux internautes chinois, qui ont retenu que certains protagonistes échappent à la peine capitale et d’autres non. « La peine de mort est la seule qui soit réservée exclusivement aux gens ordinaires », « De Jiang Quing à nos jours, y a-t-il un seul membre de la famille d’un dirigeant qui ait vraiment été condamné à mort pour un crime grave ? », « Que la justice est douce quand on est protégé par le Parti ».
Un célèbre éditorialiste laisse entendre que l’abus d’injustice creusera la tombe de la peine de mort : « Dans les années à venir, je suis convaincu que les Chinois seront de plus en plus nombreux à soutenir la fin de la peine de mort.

Sylvie Le Lan