ECPM préoccupée par les déclarations du Président Sri Lankais
1 octobre 2018
Interview de Nicolas Perron, directeur des programmes d’ECPM.
Pourquoi la situation au Sri Lanka inquiète-t-elle ECPM ? ECPM est extrêmement préoccupée par la situation au Sri Lanka et notamment par les annonces du Président Sirisena prononcées cet été. Le Président avait affirmé son souhait de pendre toutes les personnes condamnées à mort au Sri Lanka pour trafic de drogues. 19 personnes risquent donc la pendaison. Dans le sillage de cette déclaration, l’administration pénitentiaire du Sri Lanka a publié des offres d’emploi de bourreaux. En effet, la dernière exécution datant de plus de quarante ans, leur fonction était devenue désuète, et tous les bourreaux précédents avaient démissionné. Cette escalade de déclarations nous a inquiétée : nous avons adressé un courrier au Président en lui demandant de revenir sur ses annonces. Cela a également été signalé aux Nations unies lors du Conseil des droits de l’homme (à Genève en Septembre 2018) par la nouvelle Haut-commissaire aux droits de l’homme, Madame Bachelet, qui a nommément cité la situation du Sri Lanka et a demandé au chef de l’État de revenir sur ses propos. Quelles seraient les conséquences d’une telle décision pour le pays ? Si cette décision était appliquée, cela supposerait que le Sri Lanka mettrait fin à un moratoire officieux sur la question de la peine de mort qui existe dans le pays depuis 1976, ce qui serait une décision extrêmement grave pour le pays et pour la région. Cela serait aussi en totale contradiction avec les engagements du pays au cours des dernières années sur la question de la peine de mort. Non seulement cela fait 42 ans que le Sri Lanka n’a pas effectué d’exécution, mais le pays a même commué systématiquement les peines de mort pour trafic de drogue en peines de prison à perpétuité. De plus, le Sri Lanka vote en faveur de la résolution biennale des Nations unies concernant l’application d’un moratoire universel sur les exécutions. Le pays soutient cette résolution de manière très forte, et surtout il a été pour la première fois représenté au plus haut niveau lors du 6ème Congrès mondial contre la peine de mort qui s’est tenu à Oslo en 2016, en envoyant son ministre des affaires étrangères ainsi que son ministre de la justice… Le Sri Lanka était le pays le plus représenté politiquement à ce Congrès ! Les deux ministres ont tenu des propos extrêmement engageants en faveur de l’abolition et ont affirmé qu’elle aurait lieu très prochainement. Pourrait-on assister à un véritable retour en arrière au Sri Lanka ? Nous espérons qu’il s’agissait seulement d' »un effet d’annonce », à l’instar des Philippines où le Président a également fait part à plusieurs reprises de sa volonté de réappliquer la peine de mort, ce qui n’a pas encore donné lieu à une exécution. Nous restons néanmoins vigilants et espérons que le gouvernement du Sri Lanka pourra être présent au 7ème Congrès mondial contre la peine de mort que nous organiserons à Bruxelles au Parlement Européen. Cela pourra être l’occasion d’engager un dialogue avec le gouvernement et de mesurer le chemin que nous pouvons parcourir vers l’abolition.