Elections présidentielles, pas de débat sur la peine de mort
13 août 2008
A l’approche des élections américaines et alors que l’année écoulée a été marquée par un moratoire de sept mois sur les exécutions, les abolitionnistes américains, et du monde entier, attendaient de pied ferme les candidats au poste de président des États-Unis sur la question de la peine de mort. Las, le pays ne semble pas encore prêt à voter pour un homme qui se positionnerait clairement contre ce cruel châtiment. Tentative d’explications :
En juin 2008, Barack Obama et John McCain ont affiché une position commune en faveur de la peine de mort, en critiquant un arrêt de la Cour suprême. Les deux rivaux, candidats à la présidence des États-Unis, se sont en effet déclarés en désaccord avec une décision interdisant de condamner à mort l’auteur du viol d’une enfant de huit ans, non accompagné de meurtre, alors qu’une cour de Louisiane avait prononcé une peine de mort. Retour sur leurs positions vis à vis de la peine capitale :
John McCain défend clairement le bien-fondé de la peine de mort, notamment pour les crimes fédéraux. En tant que sénateur de l'Arizona, en 1994, il avait voté pour une loi visant à élargir le nombre de crimes passibles de la peine capitale. En 1996, il a voté favorablement au projet de loi visant à limiter les procédures d’appels faisant suite à une condamnation à mort. Il a aussi appuyé la législation visant à permettre la condamnation à la peine de mort pour les actes de terrorisme. Enfin, récemment, il s’est à nouveau déclaré favorable à un élargissement du champ d'application de la peine capitale à d'autres crimes, notamment en juin 2008 donc, pour les cas de viols commis sur des mineurs. Il a alors qualifié la décision de ne pas exécuter l’auteur du viol de l’enfant de huit ans « [d’] atteinte au renforcement de la loi visant à punir ces criminels haineux, pour le plus odieux des crimes ».
Barack Obama, lorsqu’il s’est présenté aux élections sénatoriales de l’État de l’Illinois en 1996, s’était déclaré, dans un questionnaire adressé aux candidats, hostile à la peine de mort. Aujourd’hui, le candidat à l’élection présidentielle juge que la peine de mort « ne contribue pas vraiment à réduire la criminalité », mais ne se prononce plus en faveur de son abolition. En 2004, Barack Obama déclarait dans un débat télévisé : « Il y a des crimes extraordinairement atroces – le terrorisme, le mal fait à des enfants – pour lesquels [la peine de mort] peut être appropriée. Nous avons besoin de cette sanction ultime dans certaines circonstances. » Dans son essai « The Audacity of Hope » (« L’audace de l’espoir »), publié en 2006, Obama persiste et signe en évoquant des crimes « si abominables (…) que la communauté est en droit d’exprimer la pleine mesure de son indignation ». Barack Obama se félicite pourtant d’avoir largement participé à l’ouverture du débat sur la question aux États-Unis en réclamant une réforme de la peine capitale dans son État de l’Illinois. Il est notamment l'auteur du projet de loi visant à rendre obligatoire l'enregistrement vidéo des interrogatoires des personnes soupçonnés d’avoir commis des crimes passibles de la peine de mort. Lors du débat électoral préliminaire à l’investiture démocrate en Caroline du Sud, face à un public largement constitué par la communauté noire-américaine, Barack Obama a affirmé que la peine de mort était « un sujet dont il fallait débattre » et que « les afro-américains et les blancs (…) sont arrêtés et condamnés selon des critères très différents, et sont l’objet de sentences très différentes ». Pourtant, quelques années plus tôt, alors qu’il venait d’être élu au Sénat de l’État de l’Illinois, Barack Obama avait fait adopter un projet de loi étendant l’automaticité de la peine capitale aux condamnations pour meurtre de personnes âgées.
Antoine Deshusses