Exécution aux États unis : l’obstacle des moyens d’exécution


23 octobre 2013

Tuer humainement. Exécuter avec dignité. Deux idées illusoires qui ont guidé la création du cocktail mortel injecté aux condamnés à mort aux États-Unis. Si le thiopental, le bromure de pancuronium et le chlorure de potassium, ont respectivement pour fonction d’endormir, de paralyser et de provoquer l’arrêt cardiaque fatal, il semblerait que la plus grande incertitude gravite autour du caractère non douloureux supposé de l’injection de ces produits. L’injection létale semble être remise en cause, tantôt par le renoncement à la croyance de son soit disant effet indolore, tantôt pour des raisons pragmatiques : le pays est à cours de produits.

Pénurie de « cocktail de la mort » ?

Le principal fournisseur de thiopental, le laboratoire pharmaceutique Hospira, a annoncé, en 2010, une rupture de stock avant de révéler, finalement, qu’il ne fournirait plus l’anesthésiant utilisé à des fins mortelles. Aussi, des États ont effectué des achats par des intermédiaires officiels de certains fabricants en Europe. Le propofol, un anesthésiant qui, à haute dose, provoque la mort a été choisi par le Missouri pour remplacer le protocole à trois drogues. Toutefois, le gouverneur de l’État a du reporter une exécution prévue pour le 23 octobre à cause de la provenance de cette dose unique. En effet, le distributeur allemand a menacé de stopper ses exportations si le pays l’utilisait pour les exécutions. Face à cette impasse et aux pressions des anesthésistes, d’autres États sont prêts à se fournir auprès de pharmacies indépendantes non agréés par l’Agence fédérale de contrôle des médicaments ou encore à utiliser des produits conçus dans un autre but. Le pentobarbital, un produit utilisé pour euthanasier les animaux est parfois administré, son injection en surdose provoquant la mort par inconscience. Une fois encore, le détournement de son utilisation par les États unis a conduit la mise en place d’un réseau de distribution très contrôlé assurant désormais l’identité des acheteurs, issus uniquement du milieu médical.
Ainsi, la pénurie amorcée se renforce et l’injection létale telle qu’imaginée en 1977 et telle que renouvelée par des injections à une dose, semble vivre ses dernières heures.

De nouvelles alternatives ?

Ce débat technique autour de l’injection létale est lourd de conséquences. Effectivement, cette méthode est adoptée par tous les États américains comme moyen principal d’exécution. C’est toute la procédure d’exécution qui risque d’être remise en cause et chacun devrait trouver un autre procédé qui respecte le huitième amendement de la Constitution américaine interdisant les peines « cruelles et inhumaines ».
Michael Rushford, président la Criminal Justice Legal Foundation, soutient l’utilisation du monoxyde de carbone, qu’il qualifie de « simple, rapide et indolore ». Pour le docteur Jay Chapman, qui a participé au processus de création du « cocktail de la mort » à trois drogues, le moyen le plus simple d’exécuter ne passera pas par une aiguille mais par un autre outil telle que la guillotine précisant qu’il n’est pas opposé à sa mise en place. De manière plus concrète, des élus du Missouri auraient proposé la construction d’une chambre à gaz et d’autres États proposent la chaise électrique comme alternative, un choix qui pourrait être la seule option possible en cas de carence de barbiturique.

Comment se procurer des substances conformes aux différentes législations nationales et internationales ? L’injection létale vaut-elle mieux qu’une autre méthode d’exécution ? Existe-t-il des façons humaines de tuer ? La dignité d’un condamné peut-elle être préservée durant sa mise à mort ? Toutes ces questions animent les débats nous faisant presque oublier l’interrogation principale : et si cette pénurie était l’occasion de parler abolition ? Et si ce défaut d’anesthésiant était le levier d’une réflexion plus profonde sur la peine capitale qui, peut importe la méthode d’exécution, est « le signe spécial et éternel de la barbarie » ?

Justine Payoux