« Final Words » : leurs dernières paroles pour un nouveau dialogue
9 octobre 2014
Mêlant sensibilité artistique et engagement citoyen, un nouveau projet abolitionniste vient d’être lancé aux États-Unis à l’occasion de la 12e Journée mondiale contre la peine de mort qui se tient ce 10 octobre. C’est le projet Final Words (« Dernières paroles »), initié par deux New Yorkais, Marc Asnin, photographe et directeur artistique, et Joshua Herman, éditeur.
Tout a commencé lorsqu’en juillet 2013, des médias ont remarqué que les dernières paroles des condamnés à mort au Texas, enregistrées depuis le rétablissement de la peine capitale en 1982, étaient en ligne sur le site de l’administration pénitentiaire. Certains condamnés implorent le pardon de la famille, d'autres tentent de trouver la paix dans la prière ou gardent le silence. D'autres encore n'éprouvent aucun remord, partagent leur rage ou continuent de plaider leur innocence. En tout cas, tous, à l’aube de la mort, s’expriment d’une façon ou d’une autre, avec leur sensibilité et leur vécu. C’est ce qui fait la force de ces témoignages qui ont bouleversé Marc Asnin quand il les a découverts.
« Cela m’a fait replonger dans le travail photographique que j’avais mené en 1991 sur le cas de Michael Owen Perry, condamné à mort en Louisianne, pour le magazine allemand Stern. » Marc Asnin avait suivi son procès et s’est souvenu ce qu’avait osé dire son collègue du Stern au procureur qui réduisait les criminels au statut « d’animaux ». « Ah, oui, vous êtes comme Hitler… Bien sûr, il n’y a qu’un seul Hitler dans l’histoire mais vous avez la même mentalité. »
Déshumanisation
Aujourd’hui, c’est ce que veut dénoncer Marc Asnin : le processus de déshumanisation qui agit dans la peine de mort. « C’est un processus pas si différent de celui du génocide, se permet de comparer le photographe d’origine juive. Je ne dis pas que c’est la même chose mais cela relève de la même mentalité. Quand tu commences à déshumaniser des gens, cela devient très dangereux. » C’est donc pour redonner aux condamnés à mort toute leur humanité que Marc Asnin a publié, avec la complicité de l’éditeur Joshua Herman, un livre consacré aux dernières paroles prononcées par ceux et celles qui ont été exécutés au Texas (515 à la date d’édition, 517 aujourd’hui).
Mais le projet Final Words, « c’est plus qu’un livre, renchérit Joshua Herman. C’est aussi la distribution d’exemplaires gratuits dans les lycées et centres universitaires des 32 États américains où la peine de mort est encore légale. C’est la création d’une exposition itinérante qui donnera à entendre, par la voix de comédiens, les dernières paroles des exécutés et qui invitera les artistes locaux à s’exprimer sur la peine de mort. Elle voyagera à travers les Etats-Unis et dans certains pays comme le Pakistan. C’est enfin l’animation de notre site web où les conributions de chacun sont publiées. »
Par cette mobilisation, les deux militants espèrent « renouveler le dialogue sur la peine de mort.» « Aux États-Unis, la peine de mort est toujours perçue comme une question de criminalité mais jamais comme un problème lié aux droits de l’homme. C’est cela qu’il faut changer », résume Joshua Herman. Pour Marc Asnin, c’est précisément maintenant qu’il faut agir. « J’ai l’impression que se noue en ce moment aux États-Unis une forme de convergence des points de vue, analyse le photographe. Le mouvement libertarien, qui est en plein développement depuis la crise, commence à prendre des positions contre la peine de mort comme le sénateur du Kentucky Rand Paul. Des conservateurs se mettent aussi à critiquer les couloirs de la mort pour des raisons non pas morales mais économiques en disant que cela coûte trop cher aux contribuables. Les exécutions qui se transforment en torture, comme l’a dénoncé John McCain sénateur de l’Arizona, sont de moins en moins bien acceptées. Un influent “think tank” a même affirmé que la peine de mort n’existerait plus aux États-Unis d’ici 15 à 20 ans. »
Toutefois, la bataille est loin d’être gagnée. « Au niveau du grand public, tout le monde s’en fout de la peine de mort, regrette Joshua Herman. C’est ça le problème de fond. Mes trois filles qui vont pourtant dans un excellent lycée de New York n’en débattent jamais dans leur classe ! Avec tous les coups de fils que j’ai passés pour le projet Final Words, je me suis rendu compte que peu de monde sait que la peine de mort est abolie depuis longtemps en Europe et qu’elle est surtout appliquée dans des pays aussi peu démocratiques que l’Iran, l’Arabie saoudite et la Chine ! » Conclusion : « Il faut éveiller les sensibilités individuelles pour qu’émerge une réflexion collective. » Alors lisez Final Words ! Exprimez-vous sur le Facebook de Final Words Project et envoyez votre selfie abolitionniste sur le compte Twitter @FinalWordsBook , mot-clé #nodeathpenalty !
Camille Sarret
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