« Il n’existe rien de constant, si ce n’est le changement »


7 février 2013

« Il n’existe rien de constant, si ce n’est le changement »

Bouddha

Edito Mab février 2012

Dans le dossier de ce mois, nous aborderons un pays que nous n’envisageons habituellement que sous l’œil du touriste éthéré. Pourtant, La Thaïlande à l’image du continent asiatique, se situe dans l’œil du cyclone de la peine de mort. En effet, c’est en Chine et en Asie du Sud-Est qu’il y a le plus grand nombre de condamnations et d’exécutions capitales. Cependant, là aussi l’abolitionnisme marque des points un peu plus chaque année. La Thaïlande s’est engagée officiellement en 2009 dans le cadre du deuxième programme national pour les droits de l’homme pour la mise en place des recommandations pour l’abolition de la peine de mort.

Je tiens à rappeler à nos nombreux soutiens qu’ECPM est depuis 2012 membre du réseau asiatique contre la peine de mort – ADPAN, qui regroupe plus de 70 membres (organisations ou individus dans 26 pays).
On peut également se féliciter de la création en cette même année, de la Commission de l’ASEAN pour les droits de l’homme – AICHR : http://aichr.org/. Pour la première fois les pays d’Asie du Sud-Est ne parlent pas que de libre échange, de commerce et de finances. Les résultats sont timides et encore presque invisibles, mais cela change au rythme lent de la démocratisation dans ces pays. « Il n’existe rien de constant si ce n’est le changement » disait très justement Bouddha. On y arrivera par la sueur d’un combat méthodique et minutieux. En effet, il s’agit d’abord dans cette région du monde de s’attaquer à un phénomène prépondérant dans l’application de la peine capitale. Il s’agit de la peine de mort pour le trafic et la consommation de drogue. Je dis consommation car à partir de 20 grammes, on peut être condamné à mort en Thaïlande, au Vietnam, à Singapour ou en Indonésie. Cette situation inquiétante entraîne un réel cas de conscience aux démocraties d’Europe qui ont placé l’abolition de la peine de mort au cœur des valeurs européennes, mais qui dans le même temps financent et soutiennent des programmes de lutte contre les trafics de drogue en aidant des pays qui appliquent la peine de mort pour ces causes. Le dilemme est kafkaïen.

ECPM presse constamment les diplomaties européennes, ainsi que le service d’action extérieur de l’UE de prendre en compte, dans les définitions des politiques publiques contre le trafic de drogues, cette conséquence (directe) des condamnations des personnes arrêtées. La situation ubuesque va même jusqu’à la condamnation (et parfois l’exécution*) de citoyens européens grâce à de l’argent européen. Il est important de rappeler que des français croupissent aujourd’hui dans des prisons d’Asie en attendant leur sort. Je pense tout particulièrement à Serge Atlaoui en Indonésie, à Phoumy Chan Thao (jeune franco-laotien condamné en Chine) ou encore à Michael Blanc (condamné à la prison à perpétuité). L’UE pourra par exemple porter cette question au niveau des instances de l’office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) qui est en charge de cette lutte.

ECPM et Iran human rights (IRH) vont d’ailleurs lancer dans les prochaines semaines le rapport annuel Iran qui reprendra en détails la situation des exécutions pour trafic de drogue dans ce pays. Ce sera une nouvelle fois l’occasion de montrer que les problématiques sont similaires d’un continent à l’autre et d’une culture à l’autre.

Cher lecteur à partir du mois prochain, le format de votre « Mail de l’abolition », changera un peu, puisque nous approchons à grand pas du 5e Congrès mondial qui aura lieu à Madrid du 12 au 15 juin 2013. A cette occasion, le MAB se mettra aux couleurs du Congrès ! Il sera bilingue français-anglais et je l’espère vous donnera envie de nous rejoindre à Madrid porter l’abolition tous ensemble.

Abolitionnement votre

Raphaël Chenuil-Hazan
Directeur général ECPM

*Je pense à Ahmal Shaïk, jeune anglo-pakistanais déséquilibré, qui a été exécuté à Noël 2010 en Chine.