Judy Clarke, une avocate tenace


31 août 2012

Judy Clarke est de ceux qui voient l’humain derrière le crime afin d’en percevoir sa quintessence. Elle est l’une des avocates les plus célèbres des États-Unis pour sa ténacité et sa minutie dans des affaires où la peine capitale pouvait être prononcée.

Judy Clarke a défendu des personnes profondément perturbées et violentes, dont l’histoire a marqué le pays. Ces meurtres, qui ont choqué et provoqué une vague de haine sur le territoire, ne l’ont pas découragée dans sa volonté d’outrepasser l’acte, pour comprendre le désespoir de leurs auteurs. Farouche opposante à la peine de mort, qu’elle qualifie « d’homicide légalisé », elle a entrepris de la combattre à travers chaque accusé, procès après procès, inlassablement.

Directrice exécutive du Federal defenders of San Diego, de 1983 à 1991, Judy Clarke est une technicienne du droit qui sait repérer les failles d’un dossier, et utiliser chaque parcelle de preuve au service de ses clients. Elle est reconnue pour sa capacité à défendre des personnes instables qu’elle gère avec une humanité et une patience exemplaires.

Parmi ses clients, Susan Smith apparaît comme un des cas les plus emblématiques de sa carrière. Cette femme, alors âgée de 23 ans, a noyé ses deux fils en laissant délibérément sa voiture, avec les enfants à son bord, s’enfoncer dans un lac. Cet infanticide a soulevé une déferlante d’émotion et de haine contre cette mère auteure de l’indicible. Mais l’avocate ne s’est pas arrêtée à cette image donnée d’une femme malveillante et impardonnable. Elle s’est illustrée par son sens de la formule, pour atténuer les discours manichéens, lors du procès, en déclarant que « ce n’est pas un cas à propos du mal […] c’est un cas à propos du désespoir et de la tristesse ».

Ted Kaczynski, connu pour avoir envoyé des colis piégés à la bombe pendant 17 ans, blessant 16 personnes et en tuant trois, figure parmi les personnes défendues par Judy Clarke. Diagnostiqué schizophrène paranoïde, « Unabomber » comme il est surnommé, a obtenu une sentence de prison à perpétuité sans possibilité de liberté conditionnelle grâce à l’obstination de son avocate à l’écouter pour mieux l’aider. Déjouant, encore une fois, les pronostics le condamnant à mort. Ainsi, David Kaczynski, frère du condamné, déclarait que « Judy n’est pas seulement une avocate brillante ; c’est une bonne personne ».

Son prochain procès sera la bataille pour sauver la tête de Jared Lee Loughner. Cet homme de 22 ans est accusé du « massacre de Tucson », en Arizona, dans lequel il a tué six personnes et blessé 13 autres, dont la parlementaire démocrate Gabrielle Giffords. La santé mentale de Loughner, apparemment fragile, devrait être au cœur du procès. Dès sa prise en charge du dossier, Judy Clarke a demandé la récusation des juges de l’Arizona à la présidence du procès afin de garantir une procédure impartiale à son client. Son expérience dans ce genre d’affaire, où la haine et la passion l’emportent sur la raison et la compassion, pourrait être salvatrice pour Loughner. L’enjeu pour l’avocate est, encore une fois, de briller dans ce qu’elle sait si bien faire : comprendre son client et obtenir sa confiance pour, ensuite, qu’on ne le juge pas uniquement sur un acte, aussi horrible soit-il.

Aussi, Judy Clarke est une avocate convaincue qu’aucun être humain n’est foncièrement mauvais et impénétrable. Elle traque la bonté en chacun de ses clients afin qu’aux yeux des juges et des jurés, la peine de mort n’apparaisse pas comme une option. Cette philosophie à fait ses preuves : aucune des personnes qu’elle a défendue n’a été condamnée à mort. Si Judy Clarke est une militante qui ne s’expose pas, il est certain qu’elle « sauve discrètement des vies »* .

Justine Payoux

*David Protess, directeur du Medill Innocence Porject