Le monde arabe au cœur de nos préoccupations
15 novembre 2012
Pour la première fois, un événement international majeur sur la peine de mort a eu lieu dans un pays arabe (1).
Le premier Congrès régional organisé par ECPM, la Coalition marocaine et l’OMDH tenu du 18 au 20 octobre 2012 à Rabat au Maroc, a permis une visibilité aussi bien politique que médiatique exceptionnelle. En effet, douze pays de la région étaient représentés (Maroc, Tunisie, Algérie, Lybie, Egypte, Mauritanie, Yémen, Jordanie, Territoires palestiniens, Liban, Irak et Syrie). La grande nouveauté résidait autant dans l’ampleur de l’événement que dans la couverture médiatique sans précédent. De grands médias internationaux et régionaux ont ainsi couvert le Congrès.
Des résultats concrets sont ressortis des trois jours de débats intenses. Tout d’abord la création pour la première fois d’un réseau de parlementaires marocains contre la peine de mort, qui je l’espère se transformera très bientôt en réseau arabe contre la peine de mort. Ou encore la création d’une Coalition du Maghreb contre la peine de mort, qui permettra aux acteurs de la société civile des pays d’Afrique du Nord de porter un lobbying concerté au niveau régional.
Si les sociétés civiles, les acteurs des professions juridiques, les médias et les parlementaires ont été engagés pleinement dans ce Congrès, il est apparu beaucoup plus difficile dans le contexte actuel, d’impliquer des acteurs gouvernementaux majeurs. En effet, même si la Tunisie et la Jordanie avaient envoyé des représentants officiels des ministères de la Justice et des droits de l’homme, aucun ministre en exercice n’était présent. Cette difficulté à mobiliser au plus haut niveau témoigne du climat difficile que vivent les abolitionnistes dans de nombreux pays de la région suite à la tournure que prend le Printemps arabe. Cependant, la situation évolue sans cesse. Il est important de préciser qu’à quelques jours du Congrès, six ministres de la région avaient confirmé leur présence. Il faut maintenant arriver à analyser pourquoi ils se sont désistés et comment faire en sorte qu’ils s’impliquent à l’avenir dans un débat qui les concerne au premier chef. Il est à noter qu’à la suite de Rabat, le ministre des droits de l’homme tunisien, Samir Dilou a exprimé son souhait d’organiser un événement avec ECPM à Tunis, tandis qu’un conseiller du ministre égyptien, membre des frères musulmans s’est dit prêt à coparrainer un séminaire sur le sujet dans son pays. Les mentalités changent, évoluent… lentement mais sûrement. Nous ne pourrons pas les faire changer sans passer par un argumentaire religieux clair et précis, permettant de rompre avec l’idéologie éculée qui lie immanquablement charia et peine de mort. Il s’agit de casser se diptyque fallacieux. C’est ce que l’on a commencé à faire à Rabat. Ce que l’on ne manquera pas de renouveler en juin prochain à Madrid lors du 5e Congrès mondial.
Le monde arabe, encore une fois, était au cœur de nos actions menées dans le cadre de la Journée mondiale contre la peine de mort. Nous avons organisé des activités à Ramalah, à Amman et à Marrakech. Pour la première fois, un séminaire a été organisé en Irak afin de soutenir les activistes qui vivent au quotidien le danger de leur engagement. Le porte- parole du premier ministre Nouri Al Maliki a d’ailleurs menacé les participants en déclarant officiellement que toute personne qui se déclarerait contre la peine de mort serait considérée comme faisant le jeu des terroristes. Le piège de la lutte anti-terrorisme se referme encore une fois sur les abolitionnistes mais d’une façon bien sournoise et inquiétante cette fois-ci.
Raphaël CHENUIL-HAZAN
NB : ECPM organise pour la première fois le 30 novembre prochain, l’événement « Cities for life » ou « Villes pour la vie » avec la Mairie de Paris. Nous reviendrons vers vous concernant cet événement très prochainement.
(1) Non qu’il n’y ait pas eu auparavant des séminaires et conférences dans la région. Je pense en particulier au séminaire avec le CCDH et ECPM à Rabat en 2008, ou la Conférence d’Alexandrie organisée par PRI en 2010, ou encore l’Assemblée générale de la Coalition mondiale à Rabat en 2011 et à Amman en 2012.