Moratoire universel : les enjeux du vote en décembre


27 octobre 2014

C’est, pour le mouvement abolitionniste mondial, le rendez-vous le plus important de l’année. à la mi-décembre, l’Assemblée générale des Nations unies se prononcera sur la 5e résolution qui appelle à « un moratoire sur les exécutions en vue d’abolir la peine de mort ». Tous les États membres sont invités à voter.

Cette résolution n'est juridiquement pas contraignante mais, du fait de son adoption par le principal organe délibératif de l'ONU à composition universelle, elle a un poids moral et politique considérable. Elle permet de réaffirmer l'engagement des Nations unies en faveur de l'abolition de la peine capitale. Elle exhorte les États qui continuent de l’appliquer à observer les normes internationales garantissant la protection des droits des personnes passibles de la peine capitale, à réduire le nombre d'infractions qui prévoient cette peine, et à suspendre les exécutions.

Sur un plan plus stratégique, l’adoption d’une telle résolution permet de jauger l’évolution des positions des pays sur cette question cruciale des droits humains.

Des résultats de plus en plus encourageants

C’est en 2007 que la première résolution (la 62/149) est soumise au vote de l’Assemblée générale des Nations unies. Le contexte politique était alors des plus favorables : une tendance vers l’abolition s’amorçait. Deux tiers des pays du monde avaient aboli la peine de mort ou cessé de l’appliquer et le nombre d’exécutions diminuait chaque année. Le moment était venu d’encourager une majorité d’États à adopter le principe selon lequel « l’application de la peine de mort porte atteinte à la dignité humaine » en demandant « à tous les États qui maintiennent encore la peine de mort d’instituer un moratoire sur les exécutions ». Résultat, le 18 décembre 2007, la résolution est adoptée par 104 voix pour, 54 contre, 29 abstentions.

Depuis, le soutien en faveur d’un moratoire universel ne cesse de croître. En 2008, 106 États se sont prononcés pour, 46 contre et 34 se sont abstenus. En 2010, 109 ont voté pour, 41 contre et 35 se sont abstenus. En 2012, 111 ont voté pour, 41 contre et 34 se sont abstenus. Pour la première fois, cette année-là, la République centrafricaine, le Tchad, le Bénin, le Soudan du Sud et la Tunisie ont apporté leur voix à la résolution. De manière tout aussi positive, l’Afghanistan, l’Indonésie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée, ainsi que l’archipel d’Antigua-et-Barbuda, sont passés d’un vote contre à l’abstention.

En décembre prochain, les résultats seront-ils encore plus encourageants ? Le vote révélera-t-il de nouveaux soutiens ou marquera-t-il, au contraire, un recul ? Le risque d’un retour en arrière n’est pas à exclure. Entre 2010 et 2012, le Bahreïn, Oman et la Dominique sont passés de l’abstention à un vote négatif tandis que la Namibie, les Maldives et le Sri Lanka sont passés d’un vote positif à l’abstention. Il n’y a donc rien d’acquis.

Pour contrer les opposants, Ensemble contre la peine de mort (ECPM) et ses partenaires ont déjà amorcé un actif travail de lobbying auprès des délégations nationales à New York. Deux types de pays sont à cibler pour le prochain vote. D’une part, les 27 pays abolitionnistes (en droit ou de fait) qui, en 2012, se sont abstenus ou ont voté contre la résolution. L’objectif, ici, est de les convaincre de voter en cohérence avec leurs propres pratiques judiciaires. D’autre part, les 19 pays rétentionnistes qui se sont abstenus ou ont voté en faveur de la résolution. Il faut, là, les encourager à maintenir leur position bien qu’elle s’avère en contradiction avec leur code pénal.

Les positions sont loin d’être figées et peuvent même rapidement évoluer. En 2012, entre le vote préparatoire qui s’est tenu le 19 novembre au sein de la 3e commission de l’Assemblée générale des Nations unies et le vote final qui a eu lieu en plénière le 20 décembre, la Mauritanie est passée d’un vote négatif à l’abstention et la Sierra Leone de l’abstention à un vote en faveur de la résolution. Quant au Tchad et à la Somalie, ils ont voté en faveur de la résolution alors qu’ils étaient absents lors du vote préparatoire.

Bien qu’étroite, il existe une réelle marge de manœuvre permettant de faire basculer les votes. Il faut savoir s’en saisir. Le plus vite possible.

Camille Sarret

A télécharger en pdf : Synthèse des votes sur le moratoire universel