Sortir de la logique de bloc : l’exemple de la Résolution moratoire
2 novembre 2016
Nous assistons ces dernières semaines à une perte de confiance dans la Justice internationale avec le départ récent de la Cour pénale internationale (CPI) de trois pays africains : le Burundi, la Gambie et l’Afrique du Sud, considérée jusqu’alors comme l’un de ses soutiens principaux sur le continent. Jamais un seul pays n’avait quitté cette institution depuis son entrée en vigueur en 2002. Et ces départs laissent craindre un retrait massif de pays africains reprochant à la cour son manque d’universalité, sa justice à deux vitesses dirigée principalement envers eux, une justice partisane, en d’autres termes… de bloc !
Il faut stopper cette hémorragie pour continuer de garantir le droit des victimes de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre. Autre institution, défiance similaire envers l’UNESCO et sa proposition de vote d’une résolution totalement dénuée de fondement historique gommant l’histoire judéo-chrétienne des lieux saints en Israël et en Palestine. Cette défiance est symptomatique de la situation actuelle au sein des institutions internationales. Antonio Gutteres, dont la récente nomination comme Secrétaire général des Nations unies ne représente déjà pas, en soi, un acte d’innovation ni de transformation pour une institution dirigée depuis 1945 par un homme (!), va avoir comme chantier de remettre en selle l’ONU, à la fois dans son fonctionnement, ses lourdeurs administratives, mais aussi et surtout dans sa capacité à porter les questions de paix et de droits de l’homme au-delà des logiques de blocs qui ralentissent et discréditent ces institutions internationales depuis tant d’années.
À l’inverse de ces logiques sclérosantes, le vote en décembre prochain à l’Assemblée générale des Nations unies pour un moratoire universel sur les exécutions illustre peut-être une voie médiane à suivre, où le consensus pour le bien commun et l’universalité des droits de l’homme l’emporterait. En effet, cette résolution, qui recueille un approbation large des 2/3 des pays membres de l’ONU, a la particularité, pour une fois, de casser les blocs traditionnels existant au niveau mondial, régional, voire même entre pays voisins.
Dans le camp du vote positif, les sponsors qui soutiennent cette résolution sont innombrables, divers et parfois très éloignés les uns des autres concernant nombre de sujets de politique étrangère : Argentine, Mongolie, Algérie, Bénin, Bolivie, l’ensemble des pays de l’Union européenne , Israël, Russie, Afrique du Sud pour citer des exemples marquants se regroupent pour soutenir la même résolution ! Et dans le camp du non, parmi les 38 pays qui se sont opposés au moratoire, toujours la même hétérogénéité de pays partageant peu de choses si ce n’est parfois un conflit latent sur un grand nombre de sujets : États-Unis, Chine, Iran, Arabie Saoudite, Inde, Pakistan, Singapour, Syrie, Éthiopie et Soudan.
En 2014, 117 pays avaient voté pour la résolution et 34 s’étaient abstenus. Le seul bloc qui vaille, ici, est bien celui de la force morale et universelle de l’abolition de la peine de mort !
Comme disait Robert Badinter, à l’occasion des célébrations des 35 ans de l’abolition en France dont ECPM a été un des moteurs ces dernières semaines, « les parlementaires français, en 1981, ont voté en leur âme et conscience et non dans une logique de partis… et ils ont aboli la peine de mort ».
Pour la Journée mondiale contre la peine de mort, qui coïncidait cette année avec les 35 ans de l’abolition en France, ECPM a organisé et soutenu moult activités : concours international de journalisme en partenariat avec le MAE, le CNB et l’OIF avec remise des prix au Quai d’Orsay en présence de Robert Badinter, Jean-Marc Ayrault et Stavros Lambrinidis le Haut-représentant aux droits de l’homme de l’Union européenne, initiatives communes des associations le 8 octobre dans le cœur de Paris, colloque à l’Assemblée nationale pour fêter l’événement en présence, entre autres, de Christiane Taubira, Robert Badinter et de nombreux parlementaires… des actions que nous vous proposons de découvrir à la lecture de ce mail de l’abolition de novembre.
Enfin, comme toujours, ECPM s’est aussi engagée auprès de ses partenaires partout dans le monde, en Palestine avec nos amis de l’ONG Shams, au Maroc, en Tunisie, en Algérie, au Liban, en RDC et au Cameroun… l’occasion de finir cet édito sur une note positive : plus de 2700 condamnations à mort ont été commuées au Kenya !