Terrorisme et peine de mort : un débat inédit au Maroc


9 mars 2015

Pour la première fois, dans un pays arabe, un débat public a été organisé sur le thème terrorisme et peine de mort. C’était dans la capitale marocaine, le 27 février, à l’occasion de l’assemblée générale de la Coalition marocaine contre la peine de mort. Un débat qui a passionné. « La salle n'a pas désempli de 15 h à 20 h, rapporte Nicolas Perron, directeur des programmes d’Ensemble contre la peine de mort (ECPM). Les échanges ont été très riches. Le public a posé beaucoup de questions. »

à la tribune, militants abolitionnistes, experts et représentants des autorités marocaines. Des intervenants nombreux et de qualité. A la première séance : Hamza Essaid, représentant de direction des affaires pénales et de grâce ; Khalid Kerdoui, substitut du procureur général près la cour d’appel de Rabat ; Jaafar Alaoui, professeur à la Faculté de droit de Fès. A la seconde séance, plus ouverte sur l’international : le militant jordanien Haitham Shibli de Penal Reform International ; Arthur Wilson de l’association pakistanaise Prison Fellowship ; Khalil Idrissi, avocat marocain ; Nestor Toko, président de l’association camerounaise Droits et paix ; Jalal Tlili, professeur tunisien à l’Université de Carthage. Sans oublier la participation de victimes du terrorisme : Chantal Anglade de l’Association française des Victimes du Terrorisme, dont la fille a été grièvement blessée dans une attaque terroriste au Caire en 2009, et Soad Begdouri El Khamal de l’Association marocaine des victimes du terrorisme, qui a perdu son fils et son mari dans les attentats de Casablanca du 16 mai 2003.

Fléau mondial qui n’épargne pas le monde arabe, le terrorisme ravive la peine de mort. En Jordanie, six terroristes ont été exécutés en début d’année après qu’un pilote jordanien avait été brûlé vif par des djihadistes de Daech. Au Pakistan, quelques mois après l’attaque de Peshawar qui a fait 141 morts, dont 132 enfants, le gouvernement a annoncé la levée du moratoire sur les exécutions (en vigueur depuis 2008) dans les cas de terrorisme. Au Cameroun, sous les menaces de Boko Haram, le président a promulgué en décembre une loi anti-terroriste qui élargit le champs d’application de la peine de mort. Mais répliquer par la peine capitale, est-ce une solution efficace pour lutter contre le terrorisme ? Est-ce une réponse juste et pertinente ? Le débat est loin d’être tranché. « Vu l’intérêt que le sujet a suscité à Rabat, nous avons l’intention de renouveler le débat dans d’autres pays du Maghreb et du Moyen-Orient, informe Nicolas Perron. Nous souhaitons aussi le régionaliser. »

Au-delà du débat, l’assemblée générale de la Coalition marocaine contre la peine de mort a été marquée par la présence, lors de la séance d’ouverture, de très nombreuses personnalités officielles. Parmi elles : les ambassadeurs de Norvège et de Belgique ainsi que des représentants de l’Union européenne, de la Grande Bretagne, de la France, de la Suède, de la Suisse, de l’Espagne et de l’Algérie. L’AG a permis aux militants de valider le rapport d’activité et d’élire les membres du comité de pilotage. De même, la coalition maghrébine contre la peine de mort a tenu son comité de pilotage au cours duquel il a notamment été décidé de se saisir du cas du jeune blogueur Mohammed Cheikh, condamné à mort en Mauritanie pour apostasie

Par ailleurs, une trentaine d’enseignants marocains ont été initiés aux techniques d’éducation à la peine de mort en rencontrant des responsables libanaises et françaises du Réseau international d’éducation à l’abolition.

Camille Sarret.