Tunisie : la Commission des libertés individuelles et de l’égalité propose d’abolir la peine de mort


14 juin 2018

La Commission des libertés individuelles et de l’égalité, présidée par Bochra Belhaj Hmida, a soumis à la présidence de la République son rapport final le 12 juin 2018*. Mandatée par le Président Béji Caïd Essebsi, le 13 août 2017, la Commission a organisé une série de réunions et notamment avec la CTCPM et ECPM. La Commission a examiné dans son rapport les principales réformes législatives nécessaires en vue d’assurer la conformité de la législation nationale avec la Constitution du 27 Janvier 2014, les conventions internationales de protection des droits de l’Homme ratifiées par la Tunisie et les perspectives contemporaines dans le domaine des libertés et de l’égalité. La Commission a rappelé que la peine de mort était en inadéquation avec les évolutions de la société tunisienne. La Coalition tunisienne contre la peine de mort (CTCPM) et Ensemble contre la peine de mort (ECPM) considèrent que ce travail est une grande étape pour l’intégration en droit interne des engagements internationaux de la Tunisie en matière de droits de l’Homme. Les deux organisations saluent plus spécifiquement les propositions visant à abolir la peine de mort en Tunisie. Elles se réjouissent que le rapport final commandé par le président de la République inclue deux options visant à aller vers l’abolition de la peine de mort : soit « l’abolition de la peine capitale pour tous les crimes afin que la Tunisie se conforme à ses engagement internationaux et vis-à-vis l’Assemblée générale de l’ONU », soit, a minima, la réduction du champ d’application de la peine de mort. La Commission se fonde sur l’article 22 de la Constitution tunisienne pour « limiter l’application de la peine de mort aux crimes les plus graves ». Mais surtout, le rapport contient une proposition de loi organique portant sur le Code des droits et libertés individuelles, en vue de combler les lacunes de la législation actuelle. Dans ce projet, l’article 16 énonce le droit à la vie, et l’article 17 dispose que « la peine de mort est abolie » et que « tout condamné à la peine de mort devra voir sa peine commuée en peine de prison à perpétuité, l’accusé ne devra pas être extradé pour un crime dont la sanction est la peine capitale dans le pays demandant son extradition ». La Tunisie a ratifié le Pacte international sur les droits civils et politiques ainsi que de nombreuses conventions internationales de protection des droits de l’Homme limitant le recours à la peine de mort aux crimes les plus graves. Par ailleurs, depuis 2011, la Tunisie vote de manière régulière en faveur de la résolution de l’Assemblée générale des Nations unies en faveur d’un moratoire universel sur l’application de la peine de mort. Le prochain vote de cette résolution se déroulera en décembre 2018. La Tunisie connait un moratoire de fait ; elle n’a exécuté aucun condamné à mort depuis 1991. Néanmoins, les magistrats continuent de prononcer des condamnations à mort. Ainsi, 11 personnes en 2017 et 44 personnes en 2016 auraient été condamnées à la peine capitale. Plus de 77 condamnés à mort se trouveraient actuellement en détention. La CTCPM et ECPM espèrent vivement que ces propositions seront suivies de concrétisations et appellent les autorités à prendre toutes les mesures visant à abolir définitivement la peine de mort. * Commission des libertés individuelles et de l’égalité, « Rapport final », juin 2018, https://colibe.org/wp-content/uploads/2018/06/Rapport-COLIBE.pdf.