Édito – Congrès de Bruxelles : le mouvement abolitionniste se renforce et se structure…
30 mars 2019
Par Ramla Liatouji,
Coordinatrice du 7e Congrès mondial contre la peine de mort - ECPM
Au 7e Congrès mondial contre la peine de mort de Bruxelles, vous êtes venus nombreux réaffirmer votre engagement pour l’instauration d’un monde sans peine de mort.
Les travaux académiques déployés par l’équipe d’ECPM et les membres de la Coalition mondiale contre la peine de mort ont été plébiscités par les quelques 1500 participants, issus des 5 continents. Les 70 intervenants, aux domaines d’expertises variés, ont largement contribué à la valorisation des débats.
Mais au-delà de la quête d’information et d’un état des lieux conventionnel, c’est la qualité des échanges, les formats de réunion innovants et l’opportunité de réseautage inédite qui ont fait du Congrès de Bruxelles une plateforme désormais incontournable pour accompagner tous les acteurs de l’abolition, quels que soient leur implication ou leurs domaines de compétences.
Les synergies multiples déployées conjointement par la société civile internationale et les efforts d’implication des États dans le cadre de leur politique de coopération en faveur des Droits Humains, ont permis de franchir un nouveau cap, en œuvrant de manière concrète et structurée pour pallier les risques de résurgence latents qui émergent au gré d’une remontée palpable des populismes souvent complaisants vis-à-vis d’une justice totalitaire où la peine capitale à une place de choix.
Au cœur des débats du Congrès, le continent africain a occupé une place centrale et a fait l’objet d’une représentation sans précédent (Burkina-Faso, Congo, Guinée, Gambie…), tant pendant les cérémonies officielles que lors des débats, où plusieurs ministres de la Justice et autres décideurs politiques ont livré leurs témoignages (une première lors d’un Congrès contre la peine de mort !), se positionnant ainsi en tant que parties prenantes inattendues aux côtés des ONG. Les avancées réelles de nombreux pays d’Afrique subsaharienne en termes d’abolition sont désormais incontestables.
L’autre enjeu majeur et sans doute le plus audacieux visait le secteur privé. Peut-il être un nouvel allié ? Un business responsable devrait-il exiger le respect de la dignité humaine ? Certains éminents hommes d’affaires à l’instar de Sir Richard Branson (Royaume-Uni) et l’enseigne multinationale LUSH (USA) entre autres, ont accepté d’exprimer leur opinion résolument abolitionniste et militante. Ce dessein s’avère ambitieux mais prometteur dès lors que le simple fait de commercer avec des pays rétentionnistes sera considéré non-conforme aux objectifs de développement durable énoncés par les nouvelles normes de responsabilité sociétale des entreprises.
Sur un plan plus opérationnel, la stratégie globale de mobilisation a naturellement ciblé les autres partenaires-clés que sont les ONG, les parlementaires, les INDH, les avocats, les experts (Rapporteurs Spéciaux des Nations-Unies), les médias, et plus localement, les enseignants, les étudiants et le grand public. Parmi ceux-ci, nombreux sont ceux qui, riches de rencontres et d’échanges stimulants, sont repartis de Bruxelles avec la ferme intention de développer des projets ou de rejoindre des réseaux nationaux ou régionaux, ce d’après les retombées de la première étude d’évaluation diffusée suite au Congrès.
Mais au-delà de l’ambition irrépressible de « faire bouger les lignes » qui nous a tous animé.es pendant la réalisation de cet événement, c’est l’incroyable dynamique de l’expérience humaine qui nous a porté.es pendant ces quatre jours particulièrement énergisants. Nous avons notamment pu y observer la preuve d’une résilience absolue, incarnée par une ancienne condamnée à mort libérée après 16 années de détention, pendant lesquels elle étudie le Droit pour devenir avocate et militante, qui salue le ministre de la Justice de son pays au détour d’un couloir, surprise et émue de le trouver là.
Nous avons été touchés par la mobilisation des étudiants de l’Université de Flandre mobilisés aux côtés de leur recteur, pour soutenir leur professeur actuellement condamné à mort en Iran.
Enfin, le dialogue courageux et bienveillant entre un ancien bourreau et plusieurs rescapés du couloir de la mort a fini d’ébranler nos doutes sur la légitimité de son témoignage.
Autant d’anecdotes qui nous confortent dans l’idée que ce 7e Congrès mondial va contribuer à consolider durablement l’Humain au cœur de notre projet.