Édito : Français et allemands condamnés à mort au Levant : Une peine de mort par procuration !
1 mars 2018
En décembre 2017, le Conseil des Sécurité des Nations Unies adoptait la Résolution 2396 appelant les Etats à
Depuis la défaite annoncée de Daech et les arrestations de nombreux étrangers sur les sols syrien, kurde ou irakien, la question du positionnement timide des pays européens dans la défense de leurs ressortissants est plus que controversée voire contradictoire.
Au lieu d’accompagner les Etats vers l’abolition de la peine de mort, des Etats européens vont-ils laisser leurs propres ressortissants se faire exécuter ? La question se pose désormais du sort de ces européens : leur traitement, leurs conditions de détention, leur procès, leur jugement ; leur éventuel retour, le sort de leurs familles. Aujourd’hui, alors que vient d’être prononcée la première condamnation à mort d’une ressortissante allemande et que d’autres condamnations à mort devraient être prononcées dans les prochains jours se pose plus que jamais la question du positionnement de notre pays.
L’argument du respect de la souveraineté des Etats, n’est qu’un feu de paille pour cacher le manque de stratégie, d’ambition ou pire de volonté diplomatique afin d’agir dans le sens du droit et de la morale dans cette affaire. L’Union Européenne et le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme ont appelé l’Irak à ratifier le statut de Rome afin de permettre à la CPI de pouvoir éventuellement juger des crimes de guerres ou crimes contre l’humanité commis pas toutes les parties au Conflit, appel resté sans réponse. Par ailleurs, tout comme l’Allemagne, la France a ouvert de nombreuses enquêtes dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et les juridictions de ces deux Etats auraient compétence pour juger de leurs ressortissants, même pour des crimes commis à l’étranger (art. 689 du Code de procédure pénale).
La question est finalement assez simple : la France, l’Allemagne peuvent-ils agir au « cas par cas », comme il l’a été suggéré par Emmanuel Macron et d’autres ; faisant fi des principes portés depuis des décennies par la France, l’Allemagne et l’UE, d’opposition en toutes circonstances à la peine de mort ? En effet, quel que soit le crime, ces pays doivent pouvoir assumer à la fois un soutien consulaire de qualité à leurs ressortissants et une opposition sans faille à la peine de mort, sans fluctuation au gré des crimes et des criminels.
Nous percevons bien la question sensible vis-à-vis de l’opinion publique inquiète et parfois vengeresse. Mais c’est le propre de tout Etat d’arriver, de manière certainement pédagogique, à rapatrier, juger et éventuellement condamner et emprisonner ses ressortissants risquant la peine de mort. Particulièrement dans des Etats où les notions d’Etat de droit, de procès équitables et de conditions de détention acceptables ne restent que très théoriques et virtuels, tant les situations de ces pays sont chaotiques.
La condamnation à mort, l’exécution du coupable ou considéré comme tel n’a jamais rendu une société meilleure. Supprimer ces personnes ne permettra pas de mettre fin aux maux de nos sociétés, cela ne rendra pas nos sociétés plus sures, les victimes n’obtiendront pas justice et cela ne dissuadera pas d’autres djihadistes.
En se comportant de la sorte les Etats européens en viennent à bafouer les droits fondamentaux et les valeurs pour lesquels ils se battent sur la scène internationale, pouvant faire croire ainsi que ces droits ne sont que des instruments des pays occidentaux pour arriver à leurs fins, ce qui en fait des valeurs sommes toutes relatives. En outre, cela fait des personnes ainsi exécutées des martyrs qui peuvent être revendiqués comme tels par les mouvements djihadistes et donc entretenir leur ignoble rhétorique et boucler ainsi le cercle vicieux.
Nous parlons de responsabilité, de principe et de cohérence. Nous ne pouvons accepter qu’à la première difficulté rencontrée, ces principes se désagrègent au profit de la realpolitik ou de calculs cyniques. La France, l’Allemagne et au final l’UE, ont encore plus à perdre que la vie de nos concitoyens condamnés. Nous perdrions notre honneur et notre raison d’être.
Raphael Chenuil-Hazan, Directeur d’ECPM