Edito : Le mal commence par l’indifférence et la résignation : l’importance de rester mobilisé en cette période charnière !


11 octobre 2011

Le mal commence par l’indifférence et la résignation, disait Françoise Héritier.

Ce mal reste et demeure la mise à mort légalisée, portée par une société toute entière et les lois qui la régissent. L’objectif d’une abolition universelle passe alors par un engagement de tous avec chacun ses propres moyens.

Victor Hugo prédisait dans Actes et Paroles que « Le XVIIIe siècle, c'est là une partie de sa gloire, a aboli la torture ; le XIXe siècle abolira la peine de mort ». Ce sera finalement le XXe siècle, qui aura vu l’abolition de la peine capitale devenir fondatrice des sociétés modernes. Elle est en tout cas intrinsèquement liée aux fondements de la création de l’UE.

Ainsi, le Conseil de l’Europe, qui proscrit totalement cette peine dans la Convention européenne des droits de l’homme, puis l’UE, qui demande l’abolition pure et simple comme condition sine qua none pour entrer en son sein, ont largement porté les valeurs de l’abolition à l’intérieur de frontières européennes (hormis l’exception notable de la Biélorussie, et le cas de la Russie toujours en moratoire).

Mais pourquoi, encore aujourd’hui, l’Europe et les européens restent fer de lance de ce combat à travers le monde ?
Il se trouve que cette mobilisation n’est pas aisée. Dans de nombreux pays, pour de multiples raisons les sociétés et les opinions publiques ont du mal à s’approprier ce débat ; à cause de l’indifférence que nous avons déjà citée, la violence et l’oppression, la peur ou tout simplement par manque de moyens. Le combat abolitionniste est un combat politique, où les hommes et les femmes adhèrent collectivement à une autre idée de la société, une autre idée de la justice. L’Europe, par son passé, peut et doit encore aider à cette quête d’universalité. Il n’est pas anodin de constater que les mouvements abolitionnistes sont souvent portés depuis le vieux continent.

La place particulière de la France
Parce qu’elle fut seulement le 35e pays à avoir aboli, parce que le débat date depuis la Révolution française, parce que ses grands intellectuels se sont toujours mobilisés (Hugo, Jaurès, Camus), la France, plus qu’ailleurs, est encore aujourd’hui concernée par le combat abolitionniste. C’est de France qu’est née la Coalition mondiale contre la peine de mort, c’est de France que se sont institués les Congrès mondiaux à l’initiative d’ECPM. La voix de Robert Badinter, est plus que toute autre, une voix entendue à travers le monde.

Un engagement militant
Il est aussi important que le grand public reste mobilisé, car c’est en restant solidaire que nous ferons changer les choses ; cette solidarité a de multiples facettes : certains signent des pétitions et interpellent leurs élus ; d’autres manifestent chaque jour et s’engagent auprès des condamnés à mort tels nos amis du collectif Mumia qui depuis plus de 15 ans se retrouvent tous les mercredi soir sur la place de la Concorde ; d’autres, enfin, aident à rompre l’isolement infernal que connaissent les condamnés, en correspondant avec eux (via notamment l’espace condamné sur notre site).

Il a des fois où l’on est éprouvé dans notre engagement. Je pense à ce 21 septembre 2011, qui a vu la mise à mort de Troy Davis, concomitante avec la pendaison en place publique du jeune iranien Alireza Mollah-Soltani et l’exécution de Laurence Brewer au Texas et du pakistanais Zahid Husain Shah, en Chine. Quoi de commun entre ces quatre hommes ? La mort qui les a emportés en même temps avec la même hargne et ce même sentiment d’injustice. Au découragement, ECPM propose à vous toutes et tous, le rassemblement et la mobilisation incessante.

Pour pouvoir réagir à l’indifférence et la résignation, il faut à la fois porter le débat partout où cela est nécessaire et mobiliser au niveau international. Car c’est bien à l’échelle mondiale qu’il faut désormais inventer de nouveaux concepts mobilisateurs pour parvenir à l’égalité en droit et en dignité de tous les êtres humains.

C’est pour toutes ces raisons qu’il faut rester mobilisé, même ici, où l’abolition fait partie de notre passé. Comprendre le passé, c’est préparer l’avenir. Il s’agit donc de continuer à éduquer et sensibiliser pour que la tentation du mal, toujours présente dans toute société humaine, soit à jamais bannie.

Raphaël Chenuil-Hazan