Le blogueur mauritanien Mohamed Mkhaïtir devrait être libre depuis un an


9 novembre 2018

Qu’attendent les autorités mauritaniennes pour libérer Mohamed Mkhaïtir ? Alors que la Cour d’appel a prononcé sa libération le 9 novembre 2017, le blogueur mauritanien accusé d’apostasie est toujours détenu dans un lieu inconnu. 32 organisations de défense des droits humains font campagne pour sa libération et sa protection.

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Mohammed Cheikh Ould Mkhaitir a été arrêté le 2 janvier 2014 et condamné à la peine de mort pour apostasie par la Cour criminelle de Nouadhibou. L’homme de 35 ans est accusé d’avoir publié, en décembre 2013, un billet de blog sur l’esclavage et la discrimination, notamment à l’égard de la caste des forgerons dont il fait partie. L’affaire suscite depuis le début de vives réactions auprès de la population mauritanienne. Des manifestations de grande ampleur (notamment une qui a bénéficié de la bienveillance du président de la République) ont eu lieu dans tout le pays pour réclamer l’exécution du blogueur pour « blasphème ».

« Au lieu de respecter la décision de justice, les autorités refusent de révéler où se trouve Mohamed Mkhaïtir et le privent de contacts avec le monde extérieur. Cela s’apparente à une détention au secret, qui est une grave violation des droits humains. Il faut que les autorités mettent fin à cette détention arbitraire, libèrent Mohamed Mkhaïtir et assurent sa sécurité. »

Fatimata Mbaye, défenseure des droits humains et avocate locale du blogueur.
Il s’agissait de la première condamnation à mort pour apostasie depuis l’indépendance de la Mauritanie en 1960. La sentence a été confirmée en appel, malgré un repentir exprimé deux fois, et la requalification des faits en mécréance. La Cour suprême a été saisie afin de statuer sur la véracité du repentir : elle a cassé l’arrêt de la Cour d’appel pour vices de procédure le 31 janvier 2017, renvoyant l’affaire devant une Cour d’appel autrement composée. Ce nouveau procès a eu lieu les 8 et 9 novembre 2017. Le verdict est finalement la condamnation du blogueur à deux ans de prison et environ 150 euros d’amende. Puisqu’il est emprisonné depuis déjà quatre ans, sa peine est purgée : il est libérable immédiatement. Les manifestations populaires reprennent alors de plus belle. Mohamed Mkhaitir est alors conduit dans un endroit inconnu, sous escorte policière, les autorités mauritaniennes prétextant sa propre sécurité. Dans la semaine qui suit, pas de nouvelles: sa situation est inconnue de sa famille comme de ses avocats. Depuis, les avocats de Mohamed Mkhaïtir n’ont cessé de demander à lui rendre visite mais le ministre de la Justice ne leur a pas répondu. L’homme serait en mauvaise santé et aurait besoin de soins médicaux urgents. En mai 2018, 21 ONG nationales et internationales demandaient déjà de mettre fin à la détention arbitraire et de garantir la sécurité du blogueur Mohamed Mkhaïtir. Elles sommaient également les autorités mauritaniennes d’abroger la récente loi sur les infractions liées à l’apostasie, qui rend la peine de mort obligatoire en cas de « propos blasphématoires » et d’« actes sacrilèges ». L’adoption d’un tel texte constitue un véritable retour en arrière, éloignant la perspective d’une abolition pour ce pays qui, pourtant, n’a procédé à aucune exécution depuis 1987 et même ratifié de nombreux traités internationaux concernant les droits humains.

Lire la déclaration publique conjointe (mai 2018)

Rappel sur la Mauritanie :

• Abolitionniste de fait : pas d’exécutions depuis 1987 • 77 prisonniers dans les couloirs de la mort • La Mauritanie s’est abstenue lors du dernier vote sur la résolution des Nations unies pour un moratoire universel sur les exécutions