Le paroxysme de la peine capitale


3 juin 2014

Le 28 juin, cela fera 10 ans qu’Ensemble contre la peine de mort défile à la Marche des fiertés parisiennes devant des centaines de milliers de badauds et de militants de la cause LGBT, pour dénoncer les pays qui appliquent la peine capitale pour les individus reconnus coupables d’homosexualité. Que déjà le fait d’aimer une personne de même sexe soit un délit est une horreur en soi – et il y a 77pays dans le monde qui répriment l’homosexualité – mais de punir cette « faute » par la peine de mort dépasse l’entendement et la raison. Et pourtant, 11 pays ont encore aujourd’hui dans leur législation cette absurdité pénale : Afghanistan, Arabie Saoudite, Brunei, Émirats arabes unis, Iran, Mauritanie, Nigeria (dans les 12 États du Nord ayant adopté la charia), Somalie, Soudan, Pakistan, et enfin le Yémen.

Trouble fête

Le législateur justifie généralement la peine de mort par le danger que représentent la personne et son acte pour la société. Or, ici, le danger n’existe pas. Ici, il s’agit simplement et cruellement d’éradiquer une catégorie de personnes qui ne rentre pas dans la norme édictée par l’État totalitaire au nom de l’une ou l’autre valeur ou de loi prétendument religieuse. C’est pour dénoncer auprès du plus grand nombre, dire haut et fort l’horreur de cette peine, dire et redire ce paroxysme de la peine capitale, que les militants d’ECPM ont décidé en 2004 de jouer les trouble-fête dans le défilé de ce qui s’appelait encore la Gay Pride.

Trouble-fête ? C’est ainsi que nous fumes perçus la première année et la suivante : le public ne comprenait pas ce qu’un tel « char » venait faire dans un défilé festif. La trentaine de bénévoles qui se relayaient pour porter tels des étendards de la honte, des potences auxquelles était pendu un mannequin habillé aux couleurs des pays incriminés, produisaient interrogation et bien souvent incompréhension parmi même les militants de la cause gay.

Il faut dire qu’ils étaient rares, alors, ceux qui avaient conscience de cette immonde réalité. Parmi les homosexuels eux-mêmes, ils étaient peu nombreux à savoir qu’ils risquaient leur peau en se rendant dans l’un ou l’autre pays représenté par nos potences. Après 10 ans de campagne, la présence du char ECPM à la marche des fiertés est reconnue comme légitime et applaudie. à l’inverse, ils sont désormais rares ceux qui n’ont pas conscience de l’immonde réalité.

Pas de culture de la mort

Si la sensibilisation a fini par porter ses fruits, malheureusement, la peine de mort pour homosexualité dans le monde, elle, ne recule pas. Certes l’Ouganda et le Libéria qui avaient envisagé un temps d’instaurer la peine de mort pour acte d’homosexualité, ont fini, face à la mobilisation citoyenne et diplomatique, par y renoncer. Mais le nombre de pays conservant dans leur législation une telle peine n’a pas reculé. Ainsi, la Mauritanie la maintient, et ce, alors que le pays n’a pas exécuté depuis 1987 et n’a jamais prononcé de peine capitale au motif d’homosexualité. Pire, l’Iran, champion du monde toute catégorie de la peine capitale a multiplié ces dernières années les pendaisons de jeunes homosexuels… Est-il utile de rappeler qu’en Iran, les condamnés sont pendus à l’aide de camions grues qui soulèvent progressivement leur corps provoquant la mort dans la plus terrible des souffrances, celle de l’étouffement…

En 10 ans de défilé, ECPM a également été fréquemment confronté à la réaction de spectateurs qui s’indignent de la stigmatisation de leur pays d’origine et dénoncent un parti pris d’intolérance vis à vis de tout ce qui n’est pas de « culture occidentale ». Il est malheureusement vrai que les 11 pays dénoncés sont de culture islamique. Mais la peine de mort n’est pas une question de culture. Aucune religion, ni culture ne se proclame culture de la mort ! La peine de mort est juste un choix de gouvernement et de législation. Ils sont nombreux les pays dits de culture musulmane qui ne condamnent pas à mort l’homosexualité. Et ils seront un jour nombreux, dans la lignée de la Turquie à avoir renoncé au pire des châtiments. L’excuse culturelle s’arrête là où le respect de la dignité humaine commence. Et cela ECPM s’engage à le dire et le redire pour des décennies encore, à tous les dirigeants des pays rétentionnistes qu’ils soient américains, iraniens, chinois ou saoudiens !

Emmanuel Maistre
Secrétaire général d'ECPM