Parole de bénévole : Annie, correspondante et amie de Khalil, condamné à mort en Floride


26 mai 2020

« Écrire à un condamné à mort, c’est lui redonner sa place d’être humain à part entière et lui offrir une fenêtre sur le monde. » Annie est bénévole et adhérente d'ECPM depuis plusieurs années. Elle nous livre un témoignage sincère sur sa correspondance avec Khalil, condamné à mort en Floride aux États-Unis, avec qui elle a noué une véritable amitié.

A l’heure où nous vivons une situation inédite de confinement, je ne peux m’empêcher de penser à mon correspondant, mon ami Khalil qui vit le véritable enfermement, dans une cellule de 5m2 au sein de la prison de Raiford, en Floride, depuis sa condamnation à mort en 1991, il y a presque 30 ans. Il avait alors 24 ans.

Depuis de nombreuses années, je suis membre de l’ACAT. (Action des Chrétiens pour l'Abolition de la Torture). J’avais entendu parler de la possibilité de correspondre avec un condamné à mort. J’ai longtemps hésité à m’engager dans une correspondance, par crainte de ne savoir quoi dire ou de ne pas oser parler de ma vie dans le monde libre.

Je me suis décidée l’été dernier et l’ACAT m’a donné les coordonnées de Khalil. Je me suis refusée à aller voir sur internet les raisons qui l’avaient amené à être condamné à mort. Ce qui m’importait était la personne qu’il est aujourd’hui et non les actes qu’il avait pu commettre… ou pas.

« Une personne extraordinairement positive »

Au fil de notre correspondance, par courrier ou par mail (Khalil a la chance d’avoir une tablette à sa disposition, lui permettant de lire et écrire des mails, de regarder des programmes éducatifs, écouter de la musique, regarder des films…mais ces tablettes ont une durée de vie très limitée, obligeant les détenus à en racheter régulièrement car la garantie est très courte), une réelle et profonde amitié s’est nouée. J’ai découvert une personne extraordinairement positive, malgré toutes ces années d’enfermement, intelligente, désireuse de découvrir la France, ses coutumes, son mode de vie, parlant de politique, de musique, d’art en général.

Dans nos échanges, il n’oublie jamais de me demander des nouvelles de ma famille, mes enfants, ma maman qui est très malade et pour laquelle il prie. Il a lui-même perdu son père il y a peu et n’a pu obtenir aucun soutien de la part du chapelain de la prison. Petit à petit, il m’a parlé de sa vie à New York étant jeune, de ses études pour devenir chiropracticien, de son combat pour obtenir un nouveau procès qui lui permettrait enfin de démontrer qu’ils ont arrêté la « mauvaise personne », à cause d’une enquête bâclée…

Et puis, il me parle aussi de sa vie entre quatre murs.

Coincé dans sa cellule (qu’il appelle parfois sa « cage », les jours où ça va moins bien) tout au long de la journée, excepté pour 2 sorties par semaine (d’une durée d’environ 3 heures), 3 douches seulement (les autres jours, c’est la toilette dans le lavabo), et tous les repas sont pris seul (le petit déjeuner est à 5h30 !).

Les visites ont lieu le dimanche mais sa famille habite loin de Raiford et ne peut donc venir tous les dimanches. Il est parvenu à se construire un emploi du temps qui l’empêche de sombrer dans la folie (il connaît des détenus qui se tapent la tête sur les murs, hurlent toute la journée, répondent aux provocations des surveillants et finissent en isolement total…) : beaucoup de sport, de lecture, de peinture, d’écriture de poèmes, du travail légal pour aider les autres prisonniers.

Ce travail pour les autres est pour lui un moyen de gagner un peu d’argent car les condamnés à mort n’ont pas le droit de travailler. Tout est très cher dans les prisons : l’envoi de mails, les consultations médicales (5 dollars), les films (7 dollars), la nourriture en plus car celle de la prison est souvent très mauvaise et rationnée…L’univers carcéral est aussi fait de brimades, de violence et de mesquineries. Violence entre détenus, brimades volontaires de la part des gardiens qui mettent les cellules sens dessus dessous lors des inspections, corruption à tous les niveaux. Tout est fait pour démolir les détenus et leur faire perdre toute humanité.

 

Ecrire à un condamné à mort, c’est lui redonner sa place d’être humain à part entière et lui offrir une fenêtre sur le monde.

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