Retour des exécutions (presque) publiques en Chine !


12 mars 2013

La Chine a renoué ce 28 février 2013 avec une « tradition » des années rouges, où les criminels et les « ennemis de classe » étaient exhibés à travers la ville, un panneau au cou indiquant leurs noms et leurs forfaits.
Version 2013, quatre condamnés à mort sont sortis de leur cellule et ligotés par les forces de l'ordre pour leur dernier voyage en fourgon. Une myriade de journalistes munis d’appareils photos et de caméras, diffusion en direct à la télévision deux heures durant.

Une propagande construite

Le message officiel est limpide : les autorités ont à cœur de protéger leurs concitoyens. La police et la justice font leur travail.

La mise en scène n’est pas laissée au hasard. Les images peuvent choquer, dans cette Chine du 21ème siècle où la population urbaine, jeune et éduquée ne cesse de croître en nombre et surtout en pouvoir d’opinion. Les images sont donc soignées et très « politiquement correctes ».
La prison, le fourgon, les policiers, tout est propre, correct, convenable.
L’accusé aussi joue son rôle en toute dignité : pas de cri, pas de larmes, pas de douleur.
Aucune mère ni épouse hurlante. Aucun enfant écrasé par la honte.

Le casting n’est pas innocent. Le chef du gang est décrit comme un baron de la drogue à la tête d’une centaine d’hommes lourdement armés, habitués à piller, à kidnapper et à tuer. Le 5 octobre 2011, le gang assassine 13 pêcheurs chinois sur le Mékong.
Multiples crimes de sang + drogue. L’opinion est unanime : ces individus méritent leur sort.
Tous sont des étrangers. L’opinion n’est pas concernée.

Une volonté de propagande assumée

Contrairement aux occidentaux, qui jugent que cette exhibition médiatique est un « bond en arrière », les autorités chinoises assument totalement l’organisation de cette médiatisation – qui souligne leur puissance.

La puissance d’un État de droit. «Tout s’est passé selon la loi, et seulement la loi», n’a cessé de répéter le commentateur de la télévision. Le message est limpide : justice fut rendue, elle fut efficace et civilisée.
Pourtant…Le procès a duré trois jours. Les militaires thaïlandais mis en cause par le prévenu n’ont pas été convoqués. L’article 252 du Code de procédure criminel chinois proscrit le fait d’exhiber les condamnés à mort.

La puissance chinoise dans la région.
L’arrestation du gang, qui sévissait dans cette région du “Triangle d’or” où les frontières sont floues, a permis aux forces armées chinoises de montrer leur suprématie : l’opération a été menée conjointement avec les polices de Thaïlande, de Birmanie et du Laos. Ces deux derniers pays n’ont d’ailleurs émis aucune objection à l’exécution de leurs ressortissants, ce 28 février 2013.

Sylvie Le Lan
Administratrice d’ECPM